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Révision des objectifs : que dit la loi ?

Rédigé par Fabien Lucron | 09 avr. 2020

La crise sanitaire actuelle impose de s’interroger sur la nécessité de revoir les objectifs qui ont été assignés en début d’année et dans certains cas de les faire évoluer selon une approche méthodologique que nous avons décrite dans un précédent article. Mais qu’en est-il du point de vue de la loi ? La révision de l’objectif est-elle une obligation de l’employeur pendant le confinement ? Qu’en est-il dans l’hypothèse où les salariés sont soumis au mécanisme d’activité partielle ? L’employeur peut-il en cas d’activité partielle reporter le budget des primes d’un trimestre sur un autre (ou d’une période sur une autre) ? A-t-il le droit de le supprimer ?

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A titre liminaire, il n’y a pas d’obligation de modifier les objectifs de la rémunération variable en cas de confinement ou d’activité partielle en l’état actuel du droit et à notre connaissance.

Il nous semble que compte tenu des obligations de l’employeur - obligation de loyauté[1] et obligation de fixer aux salariés bénéficiant d’une rémunération variable, des objectifs réalistes et réalisables[2] - un état des lieux pourrait être dressé après la crise selon les hypothèses afin de réévaluer le montant des primes à verser.

En toute hypothèse, il conviendra pour déterminer si une modification des objectifs ou du montant des primes est possible, d’évaluer la situation au cas par cas en tenant compte de la nature de la prime en question (contractuelle, conventionnelle, fixée par voie unilatérale), des modalités de fixation des objectifs, de la période couverte par la prime et des conditions dans lesquelles le salarié en fait l’acquisition (objectifs individuels et/ou collectifs).

 

Le salarié est soumis à l’activité partielle

Révision des objectifs

Si le salarié se trouve soumis à l’activité partielle au titre d’une fermeture totale de son service, le contrat de travail est suspendu. Le salarié n’a pas droit à son salaire habituel. Il ne perçoit donc plus sa rémunération variable[3]. Il perçoit simplement l’indemnité d’activité partielle. Ses objectifs individuels sont donc suspendus pendant la durée d’inactivité et il n’est pas nécessaire de les revoir.

Si la période de réalisation des objectifs est plus longue que la période d’activité partielle, il pourrait être envisagé de réévaluer les objectifs des salariés concernés pour les adapter à la période au cours desquelles ils doivent être réalisés pour les adapter à la période neutralisée de l’activité partielle afin que les objectifs fixés par l’employeur soient réalistes et réalisables[4].

Toutefois, il nous semble qu’il sera difficile en pratique d’avoir une visibilité sur l’activité des trois prochains mois. Il serait donc plus opportun de procéder à une évaluation de la situation après la crise pour décider du montant des primes à octroyer.

Report ou suppression du budget

La suppression du budget est déconseillée hormis peut-être dans l’hypothèse d’une fermeture complète de l’établissement pendant la totalité de la période d’acquisition de la prime.

La question du report du budget doit être analysée au cas par cas en tenant compte de :

  • la nature des primes. La latitude dont disposera l’employeur différera selon que ces primes sont d’origine conventionnelle, contractuelle ou relèvent d’un usage.
  • la période couverte par la prime et les conditions dans lesquelles le salarié en fait l’acquisition (objectifs individuels et/ou collectifs).

Le salarié n’est pas soumis à l’activité partielle


En l’absence d’activité partielle, le salarié doit continuer à exécuter ses missions en télétravail ou dans les locaux de l’entreprise. Son contrat de travail n’est pas suspendu et il continue à bénéficier de sa rémunération fixe et variable.

L’employeur doit-il réviser les objectifs fixés à la baisse au titre du second trimestre compte tenu de la situation sanitaire et économique actuelle ?

Il n’y a pas d’obligation à notre connaissance.

Il nous semble néanmoins qu’une réévaluation de la situation après le confinement serait opportune pour les raisons évoquées ci-dessus.

 

 

[1] C. trav. Art. L. 1222-1

[2] Cass. soc. 30-3-1999 n° 97-41.028 ; Cass. Soc. 2-12-2003 n° 01-44.192  ; Cass. soc. 13-1-2009 n° 06-46.208

[3] Cass. soc. 12-7-1989 n° 87-45.463 ; Cass. Soc. 11-10-2005 n° 03-41.617

[4] Cass. soc. 30-3-1999 n° 97-41.028 ; Cass. Soc. 2-12-2003 n° 01-44.192  ; Cass. soc. 13-1-2009 n° 06-46.208