Retour au blog

Le Courage Managérial : un levier stratégique enrichi par l’apport des sciences cognitives pour les dirigeants et les managers

Le Courage Managérial : un levier stratégique enrichi par l’apport des sciences cognitives pour les dirigeants et les managers
23 sept. 2025

Management

Le courage managérial, dont le concept mérite d’être (re)défini, semble nécessaire dans la mise en place d’une stratégie de rémunération individuelle ou variable des collaborateurs. En tant que spécialistes du conseil en rémunération variable et rémunération individuelle, nous abordons cette notion non pas comme une simple qualité comportementale, mais comme une compétence cognitive et émotionnelle cruciale, particulièrement pour les dirigeants et leurs managers.

Pourquoi et dans quelle mesure faut-il faire preuve de courage managérial dans l’individualisation des rémunérations ? Pour répondre à cette question, nous vous proposons tout d’abord de revenir sur la notion de courage managérial et sur son rôle essentiel en matière de rémunération variable.

Qu’est-ce que le courage managérial au prisme des sciences cognitives ?

Selon le philosophe E. Delassus, il faut « remettre en question un certain nombre d'idées reçues qui, souvent, associent courage et toute puissance ». Ainsi, aujourd'hui, et surtout si l'on parle de courage managérial, il est important de l'associer à la notion de vulnérabilité.

La force de la vulnérabilité et de la transparence managériale

Le courage managérial, tel que nous le concevons, s'éloigne de l'image archaïque de l'autorité autoritaire. Être courageux pour un manager, c'est avoir la force d'assumer sa propre vulnérabilité et d'accompagner celle des autres. Les sciences cognitives nous éclairent sur ce point :

Réduction de l'incertitude et sécurité psychologique

Le cerveau humain est programmé pour éviter l'incertitude. Un manager qui accepte et communique sa propre vulnérabilité (par exemple, en admettant une erreur ou une inconnue) crée un environnement de sécurité psychologique propice à la performance d'équipe. Cette transparence réduit la charge cognitive de ses équipes, leur permettant de mieux se concentrer sur leurs objectifs plutôt que sur la peur du jugement ou de l'échec. C'est l'inverse de la surcharge cognitive générée par l'autoritarisme, qui active des réponses de stress et inhibe la créativité et l'engagement collaborateur.

Activation des neurones miroirs

La vulnérabilité authentique favorise l'empathie chez les collaborateurs via l'activation des neurones miroirs. En voyant leur leader humain, les équipes sont plus enclines à développer leur propre résilience et à s'engager pleinement.

Courage managérial vs autoritarisme : vers un management bienveillant.

Socialement, on a tendance à associer le terme de « courage » avec la notion de puissance. Selon le philosophe E. Delassus, le courage, notamment managérial, doit être associé à une notion que l’on situerait plutôt aux antipodes de la puissance : la vulnérabilité. Le courage n’a donc ici rien à voir avec l’autoritarisme. C’est même l’inverse : dans la mesure où dans une entreprise, nous sommes toutes et tous interdépendants les uns des autres, cette dépendance nous rend vulnérable. 

Le bon travail d’un manager dépend notamment de la qualité de celui fourni par ses collaborateurs. « Face à un manager peu assuré, un manager courageux est celui qui ose communiquer avec honnêteté et sait dire non lorsque cela est nécessaire. Il sait être ferme et prendre des décisions sans tomber dans la tyrannie. Des qualités qui demandent souvent, dans le monde de travail comme dans sa vie personnelle, une certaine témérité », détaille un article de cadreo.com. Un manager courageux représente un véritable atout, particulièrement dans la gestion de situations difficiles ou stratégiques comme la mise en place et l'attribution de la rémunération variable.

La puissance de l'authenticité et de la communication claire pour les décisions stratégiques

Réduction du biais de confirmation et pensée critique

Un manager courageux, par son honnêteté, défie les biais de confirmation qui pourraient biaiser les décisions de rémunération. Il encourage un esprit critique, comme l'affirme Eric Delassus : « Le manager qui fait autorité n'est pas un manager autoritaire, mais quelqu'un en qui l'on croit et qui croit en la capacité de son équipe à bien remplir les missions qu'elle doit accomplir ». Cette capacité à l'auto-analyse et à l'objectivité, favorisée par l'humilité, permet un management bienveillant et fructueux où tout le monde est gagnant.

Clarté cognitive

Savoir dire non ou être ferme avec authenticité permet d'éviter l'ambiguïté. Le cerveau des collaborateurs reçoit des signaux clairs, ce qui réduit la dissonance cognitive et favorise une meilleure compréhension des attentes et des décisions concernant la rémunération variable.

Courage managérial et rémunération variable : vers un management cognitif de la reconnaissance

Le courage managérial se manifeste notamment via le système de rémunération, et plus précisément de la rémunération variable. Il s’agit de récompenser financièrement celles et ceux qui ont réalisé une performance via une prime à la hauteur des résultats fournis, sans pour autant se sentir obligé d’offrir cette prime aux autres collaborateurs qui n’ont pas performé. Il s’agit alors également de garder une certaine justesse. Cette différenciation – que l’on qualifie également de discriminante sans connotation péjorative – permet justement de maintenir intacte la motivation des collaborateurs les plus investis.

Le circuit de la récompense et la motivation intrinsèque en rémunération

Activation du circuit de la récompense

La reconnaissance du travail des collaborateurs est un puissant vecteur d’engagement et de motivation. D'un point de vue neurocognitif, une récompense juste et méritée active le système de la récompense (notamment la libération de dopamine), renforçant ainsi les comportements productifs. Reconnaître le travail d’un collaborateur et le récompenser pour cela, c’est aussi l’impliquer davantage, le fidéliser à long terme.

Motivation intrinsèque et extrinsèque

La rémunération variable bien calibrée agit sur la motivation extrinsèque (la récompense monétaire) mais, grâce au courage managérial, elle peut aussi renforcer la motivation intrinsèque (le plaisir de bien faire, le sentiment de compétence). « Quels que soient les critères choisis, la politique de rémunération variable vient porter la stratégie de l’entreprise. Elle récompense les comportements vertueux, ceux qui permettent d’attendre les objectifs clefs » (Les Echos Business, 2018).

L’individualisation des rémunérations et le courage managérial en pratique : Les enjeux cognitifs de l'équité salariale

« L’individualisation des salaires est un levier de motivation et de performance individuelle qui agit aussi sur la performance globale de l’entreprise. Signe de reconnaissance au travail, elle consiste à rémunérer le salarié en fonction de sa contribution aux résultats de l’entreprise, par exemple avec une augmentation de la part fixe de sa rémunération ou en lui proposant une part variable dépendant de critères prédéfinis » (Article Cadre Emploi, 2019).

La perte d'aversion et la théorie de l'équité en rémunération variable

L'aversion à la perte et les biais de perception

La rémunération variable est essentielle, notamment dans un contexte où les salaires fixes n’évoluent pas ou trop peu. Toutefois, les primes de rémunération variable sont parfois utilisées, à tort, pour compenser un salaire fixe trop bas. Pourtant, comme évoqué plus haut, ces primes doivent servir à la récompense d’une performance réalisée au travail. Exploitée d’une autre façon, l’initiative perd son but premier : être vecteur de motivation pour les collaborateurs. Les sciences cognitives nous apprennent que la « perte d'aversion » est plus forte que le plaisir du gain. Utiliser une prime comme rattrapage salarial est perçu comme une « non-perte » plutôt qu'un gain motivant pour les équipes en particulier commerciales.

La théorie de l'équité

Il est donc important de veiller à assurer un salaire fixe correspondant bien aux compétences et expériences requises et un niveau d’enveloppe de rémunération variable suffisant pour récompenser les salariés en fonction de leurs performances individuelles afin de maintenir la qualité de leur investissement, nécessaire à la bonne santé de votre entreprise. 

L’enveloppe de rémunération variable proposée ne doit donc surtout pas être trop faible, et doit représenter à minima un mois de salaire en cible pour chaque population. C’est là que l’on pourra véritablement motiver les collaborateurs à faire évoluer leurs comportements. Si l’enveloppe de rémunération variable est trop faible, le risque est de ne pas pouvoir être différenciant et donc de saupoudrer de petites primes à tous. Les sciences cognitives montrent que l'iniquité perçue (même si elle est "douce" par un saupoudrage) démotive et peut créer des tensions au sein des équipes.

Le courage managérial à l’épreuve des prises de décisions liées aux primes : gérer les biais cognitifs pour les managers

Comme le rappelle l’article des Echos Business, « lorsqu’un service reçoit une enveloppe de prime en fonction de sa performance, l’allocation individuelle est souvent à la discrétion du manager ». Dans les banques d’investissement et les cabinets de conseil, le mois de mars sonne comme le mois des bonus. Entre les mauvais élèves faiblement récompensés et ceux déçus de constater que ces primes – importantes – ne sont pas uniquement liées à la performance mais dépendant aussi d’autres critères comme l’ancienneté, la pratique provoque quelques remous, voire de la démotivation ».

Confronter les biais et établir des règles claires pour les primes

Biais d'ancrage et de statu quo

C’est là que les N+2/managers doivent être stratégiques et, d’une certaine manière, courageux, en jouant un rôle de « garde-fou », ainsi que le rappelle cet article. Le courage managérial est nécessaire pour dépasser les biais d'ancrage (garder le même niveau de prime) ou de statu quo (ne rien changer) et prendre des décisions basées sur la performance réelle des commerciaux.

Éviter les biais de favoritisme

En ce sens, voilà une autre erreur à éviter qui nécessite du courage managérial : considérer que les nouvelles recrues ne peuvent pas avoir un salaire supérieur aux autres. En réalité, si la personne embauchée présente davantage d’expérience et/ou de compétences, il est légitime de la rémunérer davantage. Un collaborateur peut être en poste depuis un certain nombre d’années mais ne pas présenter ces atouts malgré son ancienneté. Il ne faut pas oublier que le salaire fixe correspond à une tenue de poste, aux missions réalisées, aux compétences acquises et au niveau d’expérience sur ces tâches. Si sur ces 3 aspects, un nouvel employé dans l’entreprise présente plus qu’un autre, plus ancien, il est normal qu’on le rémunère plus, et ce, qu’il soit récemment entré dans l’entreprise ou non.

Le courage managérial permet de s'affranchir de ces biais sociaux et d'appliquer une évaluation objective et une individualisation des rémunérations juste.

Management par objectifs (MBO) et individualisation des rémunérations : une stratégie cognitivement alignée

Entre discrétion stratégique et prise de décisions ferme, les managers doivent pouvoir faire preuve de courage managérial tout en restant dans l’authenticité, la cohérence et la bienveillance avec leurs équipes.


Le Management By Objectives (MBO) est une stratégie managériale ayant vu le jour dans les années 1960 et qui nécessite notamment un certain courage managérial. Elle concerne les objectifs qualitatifs, mais également quantitatifs. Ainsi que le rappelle le blog Réussir son Management, cette stratégie permet aux salariés d’avoir « une idée claire de l’impact de leurs tâches dans l’atteinte des objectifs de l’entreprise. Ce qui leur donne un sentiment d’appartenance à l’entreprise et contribue ainsi à augmenter la productivité ». La stratégie MBO permet notamment aux salariés d’accroître leur performance et développer leur carrière. Le courage managérial sera essentiel à la réussite de la stratégie MBO.

Clarté des objectifs et réduction de l'ambiguïté pour les managers

Réduction de la charge cognitive

Il s’agit pour les managers de ne pas hésiter à dire clairement aux collaborateurs quelles exigences sont attendues et ce qu’elles impliquent, notamment lorsqu’il n’y aura pas de récompense liée à la performance individuelle. Et si l’entreprise décide d’utiliser la rémunération variable, elle doit être différenciante. Le courage managérial sera à nouveau sollicité pour pouvoir fixer à chacun des objectifs dont la nature et le degré seront différents, avec toutefois un même niveau de challenge. Cette clarté permet de réduire l'incertitude et la charge cognitive des collaborateurs, qui peuvent alors allouer leurs ressources mentales plus efficacement à l'atteinte des objectifs commerciaux.

Motivation par la transparence

Dans le secteur bancaire, plusieurs critères d’évaluation existent. On y applique le MBO avec des critères quantitatifs et qualitatifs. Les items définis tendent à établir la qualité du travail fourni par le salarié. On notera cependant que dans certaines banques, la note obtenue via ce système d’évaluation ne détermine pas pour autant le niveau de primes, ce qui pour autant devrait être le cas.

 

Le courage managérial ne rime donc ni avec autoritarisme ni avec pouvoir. Le manager doit pouvoir faire preuve de bienveillance mais aussi de transparence et de fermeté. C’est notamment le cas pour la rémunération variable ou l’individualisation des rémunérations liée aux performances individuelles. Faire preuve de courage managérial fait partie intégrante d’une stratégie de rémunération variable juste et réellement efficace.

Baromètre de la rémunération variable

Etude de la rémunération variable 2023/2024

Demandez en exclusivité notre étude menée en partenariat avec l'IFOP et accédez aux derniers chiffres concernant les pratiques de la rémunération variable en France !
Etude IFOP 2023 pour Primeum
Télécharger

Auteur de l'article

Charles Binet

Directeur Associé de Primeum - Expert en motivation des employés par la rémunération variable

Articles les plus lus

Recevoir la newsletter trimestrielle