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La patronne française, un entrepreneur comme les autres ?

La patronne française, un entrepreneur comme les autres ?
15 févr. 2023

Management

Les récents résultats d’une enquête sur l'entrepreneuriat féminin en France nous éclairent sur le profil, la rémunération et la vision de l’entreprise de ces femmes qui ont décidé de devenir patronnes. Géraldine Méfiteux, fondatrice et dirigeante du cabinet de conseil en gestion patrimoniale Alter Egale partage son ressenti et ses observations de cheffe d’entreprise française. 

 

Portrait-robot de la cheffe d’entreprise française en 2023

En France, les femmes ne représentent que 12% des dirigeants d’entreprises de PME de plus de 10 salariés et d’ETI. La parité s’effondre encore plus s’agissant des entreprises de plus de 250 salariés, puisque les femmes ne représentent plus que 6% de la totalité des chefs d’entreprise. Ces chiffres figurent parmi les résultats d’une enquête menée par Bpifrance Le Lab et FCE France auprès de 1 160 dirigeantes de sociétés.

Cette étude de grande ampleur permet de brosser le portrait-robot de la femme cheffe d’entreprise en France en 2023. Bien que leur nombre n'égale pas encore celui des hommes, les données recueillies nous informent sur de nombreux points. On y découvre notamment que les patronnes françaises dirigent davantage des structures de petite taille. Elles sont, en effet, 77% à la tête d’une entreprise de moins de 50 salariés. Du reste, leurs secteurs d’activité se révèlent très variés. Les femmes entrepreneuses investissent tous les domaines y compris ceux habituellement considérés comme masculins. Elles sont 22% à avoir investi dans l'industrie contre 28% d'hommes et 12% à être dans le BTP contre 15% d'hommes.

Les entrepreneuses se distinguent de leurs homologues masculins par la manière dont elles parviennent le plus souvent à se hisser au sommet de leur entreprise. Les femmes sont plus nombreuses à reprendre une entreprise familiale que les hommes (27% contre 13%). Elles n’hésitent pas non plus à créer leur propre société, la création étant toujours la première voie d’accès à l'entrepreneuriat pour les femmes. En outre, elles le font, en moyenne, à un plus jeune âge que les hommes. L’âge médian des cheffes d’entreprise en France est de 50 ans pour 54 ans pour les hommes.

Si, avant de coiffer la casquette de cheffe d’entreprise, les femmes concernées occupaient moins souvent un poste de cadre dirigeant que les hommes (36% contre 52%), leur parcours est assez semblable à celui des patrons. En France, la plupart des chefs d'entreprise ont un Bac+5. En revanche, ces dernières ont davantage privilégié les filières commerciales et de gestion à leurs débuts, à contrario des hommes dont le parcours s’est plus souvent déroulé au sein des filières scientifiques et techniques.

De manière générale, les différences entre hommes et femmes à la tête des entreprises françaises ne sont pas si évidentes que ce que l’on pourrait penser. L’écart se réduit même concernant l’accès au financement. 61% des femmes estiment que l’accès au financement est facile, tout comme 67% des hommes. Cette absence ressentie de discrimination liée au genre quant au financement de leur entreprise s’explique notamment par la facilité d’obtention d’un Prêt Garanti par l’État (PGE) en France.  

Les conclusions de cette enquête de grande envergure interroge quant à la pertinence de distinguer systématiquement les femmes des hommes dirigeants d’entreprise. Après tout, la patronne française ne serait-elle par un patron comme les autres ? La cheffe d’entreprise Géraldine Métifeux nous livre son point de vue sur l’entreprenariat féminin en France.

La patronne française, un entrepreneur comme les autres ?

Géraldine Métifeux est la dirigeante d’Alter Égale, un cabinet de conseil en gestion de patrimoine spécialisé dans le conseil patrimonial, le conseil en investissement financier, le courtage en assurance et en prévoyance, l’intermédiation en opération de banque et service de paiement, et l’intermédiation immobilière. Pour la patronne et fondatrice d’Alter Égale, l’entreprenariat était une évidence.

En 2005, Géraldine Métifeux a 27 ans. Son DEA en droit des affaires en poche et une thèse en droit des contrats entamée, elle décide de fonder sa propre entreprise au confluent de ses deux spécialités, la finance et le droit. Forte d’une expérience chez Barclay et JP Morgan, des entreprises où les hommes sont majoritaires, Géraldine Métifeux ne trouvait pas de satisfaction dans le salariat, un statut qui ne lui permettait pas de développer les services de conseil juridique et financier autant qu’elle le souhaitait. C’est donc tout naturellement qu’elle se décide à devenir entrepreneuse, mettant ainsi à profit ses compétences et ses connaissances au service de ses propres clients et fonde Alter Égale.

Interrogée sur les différences entre femmes et hommes dirigeants d’entreprise, Géraldine Métifeux exprime une opinion nuancée, éloignée des stéréotypes habituels. Selon elle, il est difficile de distinguer des différences fondamentales entre hommes et femmes entrepreneurs. Si, d’après Géraldine Métifeux, l’approche de la profession et de l’entreprise peut être différente, et qu’elle concède que les femmes sont souvent moins dans le conflit et la revendication que les hommes, elle note aussi que celles-ci peuvent se montrer plus directives que les hommes.

Appréciées pour leur sens pratique, les femmes basculent aussi très facilement dans l’hyper-contrôle et éprouvent des difficultés à déléguer. Souvent réputées plus efficaces, elles souffrent trop souvent, néanmoins, d’un manque d’ambition. Cependant, Géraldine Métifeux préfère rester prudente quant à savoir s’il s’agit de caractéristiques spécifiques aux dirigeants d’entreprise, ou de différences qui sont à mettre sur le compte de ce qui distingue généralement les hommes des femmes.

Pour la dirigeante d’Alter Égale, la clef du succès de tout bon patron, qu’il soit homme ou femme, est de savoir conjuguer une ambition raisonnée à une volonté de réussite collective. L’esprit collectif est généralement considéré comme plus présent chez les femmes dirigeantes que leurs homologues masculins. À ce sujet, Géraldine Métifeux ne fait pas exception à la règle, elle explique sans détour que son ambition est de faire racheter son entreprise par ses salariés plutôt que par un fond d’investissement.

 

Les rémunérations des dirigeants d’entreprise, plafond de verre des femmes entrepreneuses ?

S’il y a bien quelque chose qui sépare les hommes des femmes dirigeantes, c’est la rémunération. Quelle que soit la taille de l’entreprise, les patronnes gagnent moins de 50 000 euros par an contre 14% des hommes. Et seulement 5% des femmes cheffes d’entreprises perçoivent plus de 250 000 euros, contre 11% des patrons. Comment expliquer la persistance de ce qui ressemble à un véritable plafond de verre ?

Les écarts de salaire entre hommes et femmes ne sont pas une nouveauté. C’est pour y remédier qu’a été créé l’index de l’égalité hommes-femmes en 2019. Mais concernant plus spécifiquement les femmes à la tête des entreprises, ce fossé s’explique de différentes manières. Tout d’abord, les patronnes sont moins susceptibles de gagner 250 000 euros et plus par an car elles dirigent plus souvent des PME que des ETI. Leur salaire est donc, par nature, inférieur à celui de leurs pairs à la tête de très grandes entreprises générant de gros revenus.

Par ailleurs, les femmes osent moins facilement s’attribuer un salaire à la hauteur de leurs actions. Qu'elles soient salariées ou cheffes de l’entreprise, force est de constater que cette constante a la peau dure. Cette difficulté à exiger un salaire satisfaisant et juste est contrée par de nombreuses entreprises qui instaurent un système de rémunération variable afin d’atténuer les inégalités de salaires.

En France, on constate également que le salaire des dirigeants hommes et femmes a tendance à être semblable lorsqu’ils n’ont pas fondé de famille. Car l’impact de l’arrivée d’un enfant sur le salaire des femmes est manifeste. L’écart de rémunération devient très important quand la cheffe d’entreprise a un ou plusieurs enfants. Ce décrochage salarial est rattrapé dès lors que la cheffe d’entreprise doit assumer seule ou en grande partie la charge de sa famille. Dès lors, elle s’octroie un salaire égal à celui de ses homologues masculins.

Pour Géraldine Métifeux, cette relation tourmentée qu’entretiennent nombre de ses homologues féminines à la rémunération s’expliquent aussi par deux autres raisons. En premier lieu, les dirigeantes d’entreprise se focalisent davantage sur le maintien de leur activité plutôt que sur son développement. Une erreur, selon la patronne d’Alter Égale, pour qui l’ambition de rendre sa structure rentable et prospère est un impératif. S’octroyer un salaire confortable et juste, une fois l’entreprise correctement construite, doit être naturel.

Enfin, l’entrepreneuse estime aussi que l’argent n’est pas nécessairement un idéal à atteindre pour de nombreuses femmes. Beaucoup ont des objectifs de rémunérations qu’elles ne souhaitent pas dépasser à tout prix. Cette modération est sans doute à mettre en parallèle avec l’appétence de nombreuses femmes pour le salariat. Comme le soulignent les résultats de l’enquête Bpifrance Le Lab et FCE France , 37% des dirigeantes d’entreprise affirment s’occuper seules de la gestion familiale. Cette situation, toujours très inégalitaire, explique en partie pourquoi de nombreuses femmes ne souhaitent pas ajouter à leur charge de travail quotidienne la gestion d’une entreprise.

Réussir sa carrière de cheffe d'entreprise selon Géraldine Métifeux

Le nombre de femmes dirigeantes d’entreprise en France augmente doucement, mais il augmente. Cette dynamique vertueuse incite de nombreuses femmes actives à s’aventurer, à leur tour, dans l’entreprenariat. Mais face aux discriminations et inégalités persistantes, beaucoup s’interrogent sur le chemin à emprunter pour atteindre leur objectif.

Les discriminations liées au genre, Géraldine Métifeux, elle, a décidé de s’en affranchir, faisant fi des remarques éventuelles et possibles dénigrements dont elle a pu être victime. 18 ans après avoir fondé son entreprise, elle estime que les obstacles qui se sont dressés sur sa route au début de sa carrière de cheffe d’entreprise ont également pu être liés à son jeune âge. Pour les surmonter, l’experte en droit des affaires a décidé de foncer tête baissée et de travailler dur pour gagner le respect de ses pairs et de ses clients, surtout les plus expérimentés.

C’est en réalité là que réside toute la philosophie de la fondatrice d’Alter Égale : pour réussir en tant que femme dirigeante d’entreprise, il est important de ne pas genrer son action. Se servir de son genre comme d’une arme ou d’un moyen de défense est un comportement à proscrire. Avant de se lancer dans la création ou la reprise d’entreprise, Géraldine Métifeux conseille de réaliser un vrai travail d’introspection honnête et sincère. Le but est de vérifier qu’on l’on possède des compétences organisationnelles exemplaires et d’estimer ce que l’on est prêt à sacrifier à sa carrière.

En tant que femme cheffe d’entreprise, il est primordial de ne pas se comparer aux autres et de se concentrer sur son business-plan. Pour faire de son entreprise une structure viable et rentable, il faut avoir une idée précise de son budget dès le départ et se mettre immédiatement au travail avec en ligne de mire le développement de sa structure. Ces conseils sont particulièrement précieux pour celles et ceux qui se lancent dans la création d’entreprise avec un accompagnement financier, tel que celui proposé par Pôle Emploi.

 

Pour Géraldine Métifeux, il est important de ne pas essentialiser les différences de genre. L’arrivée des femmes dans l’entreprenariat est somme toute assez récente et il faut leur laisser le temps de s’imposer dans un univers majoritairement masculin. La France reste un pays en avance sur la question de l’entreprenariat féminin et de la lutte contre les écarts de salaire, en comparaison à d’autres pays européens. Être une femme cheffe d’entreprise en France peut intriguer mais il s’agit d’un statut bien plus facile à revendiquer que dans de nombreux autres pays. Contrairement à une époque pas si lointaine, c’est maintenant uniquement aux femmes de décider de leur carrière et de la manière dont elles veulent diriger leur entreprise.

 

Baromètre de la rémunération variable

Etude de la rémunération variable 2023/2024

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Auteur de l'article

Fabien Lucron

Le fil rouge de sa carrière est l'efficacité commerciale et le management d'équipes dans des secteurs aussi variés que la communication, la banque ou l'assurance. Il y a 15 ans, il a rejoint le cabinet Primeum pour mettre en œuvre son ambition de développement en France et à l'international et contribue aujourd'hui à mettre en œuvre sa stratégie marketing (gestion de la marque, lancement de produits, marketing digital, stratégie inbound) et sa communication interne et externe (relations médias, évènements, relations clients).

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