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Les dispositifs de rémunération variable dans l'industrie pharmaceutique... vers plus de "qualitatif" ?

Les dispositifs de rémunération variable dans l'industrie pharmaceutique... vers plus de "qualitatif" ?
16 mars 2021

Secteur pharma

L’introduction d’indicateurs dits « qualitatifs » dans les dispositifs de rémunération variable des équipes de promotion est depuis quelques années souvent présentée comme une rupture avec les pratiques de l’industrie du médicament.

Quels enjeux pour l'industrie pharmaceutique sur les primes dites "qualitatives" ?

La volonté d’afficher, aux yeux des tutelles et des régulateurs publics, une démarche volontariste dans le domaine du bon usage du médicament conduit même quelques acteurs de l’industrie et les commentateurs du secteur, à présenter cette évolution en opposant exigence économique et besoin de qualité.

Cette opposition ne se justifie pas :

  • Résultats économiques et indicateurs de qualité ne sont nullement contradictoires
  • De nombreux secteurs d’activité considèrent depuis longtemps que les indicateurs qualitatifs sont prédictifs des résultats économiques

La fonction de la rémunération variable étant d’inciter les bénéficiaires des plans de primes à orienter leurs actions dans le sens des résultats attendus par l’entreprise, elle a bien vocation à les inciter à respecter des critères de qualité au même titre qu’un résultat économique selon les enjeux propres à chaque entreprise.

Quel résultat attendu concernant le changement des comportements ?

La question, qui est donc posée aux entreprises du médicament pour la part variable des rémunérations de ces équipes terrain, est en réalité de :

  • Définir et compléter la nature du résultat attendu c’est-à-dire le cadre d’exigence de l’entreprise
  • Préciser ainsi ce que doit être la performance des équipes de promotion
  • Construire des modalités de rémunération variable capables de supporter le management dans sa mission de motivation des équipes

Définir une nouvelle exigence de performance

L’évolution du contexte, marchés et cadre réglementaire, contribue à faire évoluer l’exigence de performance des entreprises vers une définition plus large :

  • La réalisation du résultat économique et la manière dont celui-ci est obtenu...
  • ...définissant la performance comme la capacité à délivrer un résultat économique en respectant certaines conditions de réalisation
  • Être performant, c’est délivrer le résultat attendu par l’entreprise : un système de primes doit toujours inciter son bénéficiaire à obtenir ce résultat

Pour autant, la reconnaissance de la nécessité de faire évoluer le modèle historique ne peut pas conduire à la négation du caractère économique de l’activité d’une entreprise pharmaceutique. Un excès de zèle dans cette direction nuit même à la crédibilité de l’exigence de qualité exprimée par l’entreprise à l’égard des équipes de promotion.

La question qui est donc posée, à des degrés divers, par l’ensemble des entreprises du médicament, en particulier les grands acteurs très concernés par l’image de leur secteur d’activité mais aussi réellement soucieux de délivrer un service de qualité à leurs clients et aux patients :

-> La rémunération variable doit-elle porter l'incitation de la qualité auprès des collaborateurs ? 

Le qualitatif : une exigence à définir

Trois grands axes sont au cœur des réflexions conduites pour compléter l’exigence économique. Ils sont, aujourd’hui, explorés par les quelques entreprises ayant cherché à intégrer une dimension qualitative dans leur politique de rémunération variable depuis une petite dizaine d'années :

La satisfaction des « clients » au sens large (patients, professionnels de santé, organismes payeurs...) sur le bénéfice et le service apportés par l’offre de l’entreprise

La conformité aux exigences réglementaires propres au secteur du médicament (développement du bon usage, application des règles prescrites par l’ensemble des tutelles, ...)

La modification des pratiques professionnelles induites par l’évolution de l’environnement et l’excellence dans la mise en œuvre des compétences clés : savoir, savoir-faire, savoir-être ont parfois besoin d’évoluer rapidement par rapport aux référentiels actuels ou passés

Mesurer la qualité : un besoin de données

Le cadre d’exigence ayant été redéfini, même partiellement, la question de la mesure des résultats obtenus donc de la nature des données disponibles, pour des entreprises de santé habituées à l’abondance dans le domaine des données économiques, reste aujourd’hui critique :

  • Données externes / internes ?
  • Quel niveau d’agrégation géographique ?
  • Quelles fréquences ?

Dans les domaines de la satisfaction client ou de la conformité, des données externes ont commencé à être progressivement proposées à l’industrie. Elles présentent les caractéristiques suivantes :

  • Disponibles pour le moment et certainement durablement à un niveau d’agrégation plus large que les données économiques
  • Présentant une fréquence de mesure nécessairement moins importante que les données quantitatives mais cohérente avec la nature des résultats évalués
  • Nécessitant, pour faciliter leur appropriation, d’être utilisées pour animer et piloter l’activité des équipes de promotion avant même d’être intégrées dans des dispositifs de rémunération variable

Cependant, le développement de la visite à distance (VAD), lié à la crise du COVID-19, est en train d'accélérer fortement la digitalisation du métier. Ceci va permettre aux laboratoires de mesurer un grand nombre d'indicateurs connus des services de marketing digital : taux d'ouverture des emails, taux de click, engagement et aussi satisfaction client comme le Net Promoter Score (NPS). Les bonnes pratiques des secteurs d'activité beaucoup plus digitalisés (Uber, Amazon, ...) vont permettre de revoir assez significativement les pratiques de l'industrie pharmaceutique sur ce sujet.

Le fait que ce genre d'indicateurs devienne disponible va également favoriser ce que les organisations appellent de leurs vœux : le fonctionnement collaboratif entre les équipe de promotion, les équipes médicales et les équipes marketing. En effet, quel meilleur objectif à partager entre ces équipes que la satisfaction client ?

 

 

Dans le domaine de la transformation des pratiques professionnelles et de la conformité, quelques entreprises ont identifié qu’elles pouvaient et devaient donc fabriquer leurs propres données :

  • Définir un référentiel des nouvelles pratiques professionnelles attendues en termes de connaissances, savoir-faire, comportements à mettre en œuvre, respect de bonnes pratiques
  • Construire des indicateurs précis de réalisation et de mise en œuvre
  • Évaluer rigoureusement par le management au travers d’une méthodologie et d’un fonctionnement commun

 

Quelle que soit l’orientation retenue par ces entreprises pour compléter leur exigence de résultat économique par des aspects de qualité, les premiers retours d’expérience ont montré que ces deux exigences gagnaient à être opposées de manière indissociable aux bénéficiaires :

  • L’évolution rapide dans ce domaine, souvent recherchée par les entreprises, nécessite que les bénéficiaires identifient clairement qu’on ne leur laisse pas la possibilité de choisir entre résultat économique et qualité, entre court terme et long terme
  • La performance attendue d’un délégué ou d’un KAM, c’est bien la capacité à délivrer un résultat économique, pertinent à son niveau, dans des conditions de réalisation définies par l’entreprise. Cette double exigence indissociable permet mieux aux entreprises de se prémunir d’un glissement de l’exigence de qualité vers la seule obligation de moyen auquel elles ont été souvent confrontées

Les pratiques actuelles : une logique d'expérimentation à partir des nouveaux métiers

Dans ce contexte général, deux grandes typologies de démarches au sein des industries du médicament sont observables :

  • Une partie, 50% d'après notre dernière étude (voir infographie 2020), des laboratoires restent attachés à des dispositifs de rémunération variable fondés exclusivement sur des critères de performance économiques et/ou concurrentiels.

Les entreprises attachées à cette conception se distinguent moins par leur taille ou leur contexte de croissance que par la nature des marchés qu’elles adressent majoritairement. Elles sont moins concernées par des marchés spécialisés ou hospitaliers, moins impliquées dans le développement de nouveaux métiers au sein de la filière promotion tels que les KAM, les Responsables des relations institutionnelles ou les Médecins Régionaux.

  • Un ensemble d’acteurs ont entamé, pour environ 25% de leur plan de primes, sous l’impulsion de leur propre vision du marché et de son environnement mais également avec la volonté de répondre de manière proactive à la pression des tutelles, organismes payeurs, opinions publiques, des démarches restant parfois encore expérimentales

Vers un système hybride ?

Dans ce second groupe des entreprises ayant cherché à compléter leurs exigences économiques par des critères qualitatifs, on peut distinguer trois grandes approches :

  • L’ajout, à côté des dispositifs quantitatifs, d’un bonus fondé sur des mécanismes de management par objectif, similaires à ceux pratiqués sur les fonctions sédentaires.
  • Un nombre plus significatif d’entreprises ont, au cours des dernières années, cherché à mettre en place dans un premier temps des dispositifs d’Incentive pour animer les périodes de pré-lancement ou de lancement de leurs nouvelles spécialités.

Janssen (J&J), Ipsen, Sanofi, Celgene (BMS), MSD, par exemple, se sont ainsi attachés à développer une approche fondée sur l’excellence de la mise en œuvre des plans d’actions tant des acteurs traditionnels que sont les délégués médicaux que des nouveaux rôles, en particulier, les KAM. Ces démarches reposent pour l’essentiel sur la construction d’un référentiel d’exigence interne et d’une méthodologie rigoureuse d’évaluation par les managers. Les données externes sont peu utilisées et restent opposées au niveau national lorsqu’elles présentent un intérêt.

  • A l’issue de quelques années d’expérimentation sur ces situations de lancement, les acteurs de ce dernier groupe sont aujourd’hui dans une démarche visant à tenter de généraliser une composante fondée sur la qualité dans les plans de rémunération variable des équipes de promotion.

L’approche des quelques acteurs, très peu nombreux, qui commence à se préciser repose sur le croisement de données externes sur la satisfaction des clients désagrégées au moins au niveau régional avec un référentiel d’évaluation interne couvrant le plus souvent les champs de la qualité d’exécution du plan d’actions dans les domaines de la compliance, du bon usage, de la maîtrise des compétences clés, ...

La crise sanitaire a fondamentalement bouleversé ces pratiques qui commençaient à se structurer :

  • pour un certain nombre de laboratoires, l'urgence est de revenir aux exigences économiques, les résultats ayant été fortement érodées en 2020
  • le virage vers la VAD devient une condition de survie et doit donc être accompagné
  • la digitalisation du métier permet de suivre de nouveaux indicateurs dans la composante qualitative du dispositif de primes

Quelques conclusions des différentes expérimentations

En conclusion, il convient de souligner quelques éléments de méthode qui ressortent des expériences conduites par les entreprises ayant travaillé à l’introduction d’une partie qualitative dans leurs dispositifs de rémunération variable :

  • La période de performance sur laquelle il est possible d’évaluer de manière robuste une performance de nature qualitative, quelle que soit la définition qu’on lui donne, s’allonge en comparaison des cycles de performance courts auxquels est habituée l’industrie du médicament
  • La responsabilisation du management de 1er rang dans l’évaluation des critères qualitatifs de performance retenus est un facteur clé de réussite. Elle exige la mise en place d’un process et d’un fonctionnement interne permettant de réguler cette responsabilisation. La courbe d’apprentissage et d’expérience étant inéluctable, elle doit être anticipée dès le lancement d’un projet de cette nature
  • Enfin, le besoin d’une phase de spécification approfondie sur ce que l’entreprise a réellement comme exigence de résultat sur le plan de la qualité est critique dans le succès et l’efficacité motivationnelle de ces démarches

Ce dernier point est également la seule manière pour l’entreprise de se doter d’un avantage compétitif en se donnant précisément les moyens d’aligner ses dispositifs d’incitation sur ses propres enjeux clés tout en se préservant d’un alignement sans valeur ajoutée sur la pratique de ses concurrents.

 

Baromètre de la rémunération variable

Etude de la rémunération variable 2023/2024

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Etude IFOP 2023 pour Primeum
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Auteur de l'article

Hervé de Riberolles

Depuis plus de 15 ans, je mène pour le compte de nos clients de nombreux projets sur l’optimisation des dispositifs et process de rémunération variable de leurs équipes. La diversité des environnements (secteurs d’activité, pays, populations) auxquels nous sommes confrontés, mon équipe et moi-même, nécessite une adaptation perpétuelle de nos méthodes et de notre offre. La motivation des collaborateurs, sujets éminemment humain, est, de mon point de vue, passionnant, en perpétuelle évolution et à la croisée de plusieurs domaines d’expertise. C’est ce qui le rend aussi intéressant. Depuis quelque temps, nous avons également mené des projets sur l’optimisation des politiques commerciales ou conditions de remises. Les effets de levier que nous pouvons constater sur ce thème sont impressionnants : la professionnalisation des pratiques sur ce sujet est un enjeu à forte valeur ajoutée pour les entreprises.

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