L’Europe s’apprête à franchir un cap décisif dans la lutte contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes.
En effet, l’Union européenne a adopté une directive sur la transparence des rémunérations, qui impose aux entreprises de nouvelles obligations en matière de communication, de mesure et de justification des écarts de salaire.
Derrière ce texte, c’est une transformation profonde de la gouvernance RH et des pratiques de rémunération qui s’annonce — un changement que les entreprises ne peuvent ignorer.
Une directive ambitieuse pour un principe déjà ancien
L’égalité salariale entre les femmes et les hommes n’est pas une idée nouvelle : elle est inscrite dans le Traité de Rome depuis 1957. Pourtant, plus de 60 ans plus tard, l’écart moyen de rémunération en Europe reste autour de 13 %, selon Eurostat.
La directive européenne du 10 mai 2023 vise à transformer cette obligation de principe en une obligation de résultat. Elle impose notamment aux entreprises de plus de 100 salariés :
- de publier régulièrement leurs écarts de rémunération entre femmes et hommes ;
- de fournir une transparence accrue dès le processus de recrutement (avec des fourchettes salariales dans les offres d’emploi, par exemple) ;
- et, lorsque ces écarts dépassent 5%, de justifier ces différences ou de prendre des mesures correctrices en concertation avec les représentants du personnel.
Les premières publications seront exigées à partir de 2027 pour les entreprises de plus de 250 salariés, puis progressivement étendues.
Une révolution silencieuse dans la gouvernance de la rémunération
Si ce texte semble de prime abord une nouvelle contrainte réglementaire, il marque surtout un tournant dans la manière dont les entreprises doivent penser et piloter leurs politiques de rémunération.
L’enjeu n’est pas seulement de se conformer à la loi, mais de s’assurer que la structure même des rémunérations reflète une logique d’équité, de cohérence et de performance durable.
Pour certaines entreprises, ce passage à la transparence peut nécessiter une mise à plat complète des pratiques internes :
- Les critères d’évolution de salaire et de primes devront être objectivés et documentés.
- Les systèmes de classification devront être cohérents et traçables.
- Les politiques de rémunération variable devront intégrer des garde-fous pour éviter tout biais implicite.
La donnée, nouveau socle de la conformité et de la performance
La clé de cette transformation réside dans le data management. La directive exige une granularité de données que peu d’organisations possèdent aujourd’hui : comparaison des rémunérations à poste équivalent, intégration des composantes variables, suivi dans le temps, articulation avec les évaluations de performance…
Pour répondre à ces exigences, il sera nécessaire de :
- consolider les données RH issues de multiples systèmes (paie, gestion des talents, performance, etc.) ;
- créer des référentiels métiers et de niveaux homogènes ;
- mettre en place des process et des outils d’analyse capables de détecter les écarts, d’en comprendre les causes, d’en expliquer les raisons et de simuler les mesures correctrices.
Au-delà des contraintes légales, ce travail de fond présente néanmoins des bénéfices opérationnels pour l’entreprise. En rendant la structure de rémunération transparente et rationnelle, il renforce la crédibilité des décisions, fluidifie les discussions sociales et améliore l’attractivité employeur.
De la conformité à la transformation culturelle
La directive européenne ne vise pas seulement à corriger des chiffres : elle cherche à transformer les comportements organisationnels. Elle consacre une nouvelle ère de transparence salariale, où la confiance et la cohérence deviennent des impératifs économiques autant qu’éthiques.
Les entreprises devront apprendre à communiquer sur leurs écarts et à expliquer leurs critères de rémunération. Ce changement de paradigme ne se limite pas à une mise en conformité administrative : c’est un enjeu de culture managériale.
Les organisations les plus matures saisiront cette opportunité pour :
- redonner du sens à leurs politiques de rémunération,
- renforcer la confiance interne,
- attirer des talents sensibles à la transparence et à la responsabilité sociale,
- et surtout, faire de l’équité et de la performance des ambitions intimement liées.
Pour se préparer et réussir cette nouvelle étape, trois leviers d’action principaux peuvent être identifiés :
1. Cartographier et auditer la rémunération globale
Avant toute communication externe, les entreprises doivent disposer d’une vision claire et exhaustive de leur structure de rémunération.
Cet audit doit inclure les composantes fixes, variables, différées et annexes. Elle doit également permettre de cartographier l’organisation pour en faire ressortir les postes comparables. Des analyses fonctionnelles mais aussi mathématiques doivent conduire l’entreprise à disposer d’une vision claire de la situation à date.
Les objectifs de cette étape sont ainsi d’identifier les écarts inexpliqués, mais aussi de comprendre leurs origines (structures de poste, mobilité, historique, biais d’évaluation…).
2. Repenser les systèmes qui ont créé des écarts de rémunération non justifiés
Pour les écarts qui ne seraient pas justifiés, identifiés lors de l’étape 1, des actions correctrices doivent être évaluées, validées et mises en œuvre. Par exemple, une mise à jour des grilles de classification, trop anciennes ou inadaptées aux évolutions des métiers ou de l’organisation de l’entreprise pourrait être décidée.
Les entreprises doivent s’assurer que les postes comparés le sont réellement sur des bases homogènes. Il s’agira par la suite de suivre l’effet de ces décisions sur la durée.
3. Capitaliser sur la transparence imposée pour faire une force
Cette évolution culturelle nécessite un accompagnement. Former les managers à la transparence salariale, expliciter les critères de performance et de reconnaissance, instaurer un dialogue régulier sur la rémunération sont des pratiques qui renforcent la crédibilité du dispositif et l’engagement des collaborateurs.
Conclusion
La directive européenne sur la transparence salariale ouvre un nouveau chapitre pour les entreprises. Elle impose des obligations, certes, mais elle trace surtout une voie : celle d’une gouvernance de la rémunération fondée sur la donnée, l’équité et la communication.
Les organisations qui sauront anticiper et structurer cette évolution prendront une longueur d’avance.
Chez Primeum, nous accompagnons cette mutation depuis 30 ans : en analysant les données de nos clients, nous les aidons à transformer la rémunération en un levier d’efficacité et d’équité. Il s’agit ici d’une nouvelle étape dans cette démarche globale.
